SurdiFrance 6 millions de malentendants Autre oreille, autres sons : récit d’un implant cochléaire

Autre oreille, autres sons : récit d’un implant cochléaire

Article paru dans le numéro 31 de 6 millions de malentendants

Autreoreille.com est un blog-journal de bord. Solène y raconte sa récente implantation cochléaire, une autre manière d’accéder au son quand les appareils auditifs ne peuvent plus rien pour compenser une perte d’audition.

Avant, j’entendais bien ! Jusqu’au jour où…
Enregistrements audio quasi inaudibles en cours d’anglais, colocataire hilare devant un film dont je ne perçois pas les dialogues… quelques signaux d’alerte
ont pointillé les premiers mois de ma vie étudiante. À 18 ans, 3 mois et 17 jours, nouvelle déconcertante : je suis atteinte d’une surdité de perception. La seule solution ? Des appareils auditifs. Les années suivantes, cette chute d’audition se poursuit à un rythme vertigineux.
Des informations sonores disparaissent régulièrement de mon quotidien. Bientôt, pratiquement aucun son ne m’est accessible sans appareils auditifs.

Les derniers jours du reste de mon audition
En 2017, à 33 ans et après 10 années d’une audition basse mais stable, les quelques décibels restants s’échappent progressivement. Mon audition est trop dégradée ; amplifier davantage le son ne permet plus de le comprendre mieux. En dernier recours, l’implant cochléaire pourrait rétablir partiellement mon audition en stimulant directement l’oreille interne qui ne fonctionne plus. Orientée par mon ORL vers un centre d’implantation, j’enchaîne les examens médicaux : audiogramme, test des vertiges, IRM, scanner… L’opération est confirmée pour fin mars.

Première grande étape : l’opération
Dans les minutes qui précèdent l’endormissement, l’inquiétude me rattrape à l’idée des changements physiologiques qui m’attendent : un petit corps étranger bientôt logé dans ma tête et la disparition, au passage, des restes auditifs de mon oreille droite. Le décor très peu familier de la salle d’opération est aussi là pour me rappeler que ça n’est pas rien! Quelques heures plus tard en salle de réveil… on me tapote vigoureusement les joues jusqu’à ce que je réussisse à garder les yeux ouverts. Je peux alors lire sur les lèvres de la médecin anesthésiste que « tout s’est bien passé ».

Un petit mois dans le silence
Après des premiers jours déroutants, je m’habitue aux sensations inédites : du son d’un seul côté, de l’air dans mon oreille droite (plus d’appareil auditif!), le relief de l’aimant sous mes cheveux. Les acouphènes, très forts au début, diminuent progressivement. Je n’entendais déjà plus sans appareils auditifs mais l’impression de surdité, la nuit notamment, se situe à un niveau encore différent, plus profond. Cette bulle de silence va durer quatre semaines, le temps que l’oreille cicatrise, avant l’étape de « l’activation ».

L’activation : waaaa, du son !
Retour au centre d’implantation. Un petit thème sonore, le même à différentes fréquences et volumes, apparaît progressivement. Cette première étape permet de régler le processeur, élément externe de l’implant, pour chacune des vingt-deux électrodes placées dans ma cochlée. L’implant est ensuite allumé… La médecin me parle et – ouh là là – ses mots me parviennent d’une voix lointaine et robotique. Décalage perturbant entre le son et l’image mais résultat magique : je comprends d’emblée presque tout ce qu’elle me dit! Le bilan orthophonique qui suit confirme que les résultats sont très encourageants et rapides. Ouiii…

Une semaine inouïe
Au départ, les voix sont très semblables les unes aux autres et les bruits se mélangent en une palette aiguë de tintements, clapotements, grésillements… Certains ressemblent à des gouttes de pluie qui tombent sur de la taule pendant un orage, d’autres à une vieille radio qui crépite ou aux effets sonores de jeux vidéos. En seulement quelques jours, ces débuts en fanfare me font renouer avec tout un univers oublié et viennent bouleverser un quotidien, depuis longtemps beaucoup plus feutré.

Work in progress…
Dans les semaines qui suivent, le son s’affine lentement. « On peaufine, on fignole », m’explique l’orthophoniste, voix de la sagesse face à mon impatience. Je peux désormais participer à des conversations dans un environnement silencieux, distinguer le tic-tac de l’horloge murale dans la cuisine du bureau, les croquettes qui craquent sous les crocs du chat, la sonnette de ma porte d’entrée, quelques mots desannonces sonores dans le train, l’eau aspirée dans la cafetière, de multiples chants d’oiseaux. En revanche, l’usage du téléphone reste fastidieux : beaucoup de concentration pour un résultat mitigé et des informations manquées. Aujourd’hui, c’est clairement l’oreille implantée qui me permet de comprendre la parole. L’oreille appareillée la « complète » en apportant aux voix des sonorités plus naturelles, plus nuancées. Il reste une marge de progrès : la rééducation prend de nombreux mois. Je continuerai donc de relater les exploits de ma nouvelle petite oreille sur mon blog autreoreille.com.

Auteure : Solène Nicolas 

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