Avec Skype on entend mieux (article paru dans 6 Millions de malentendants n°11)
Il vaut mieux téléphoner par Skype, surtout si on a des problèmes d’audition. Des recherches scientifiques récentes le prouvent.
Quand on a un ordinateur avec un accès à Internet, téléphoner par Skype, ou par des systèmes Internet analogues, présente de nombreux avantages :
- c’est gratuit, quelle que soit la distance,
- on voit la personne avec qui on parle, ce qui aide à la compréhension de la parole même si on ne lit pas bien sur les lèvres
- et surtout, le son est bien meilleur que sur les lignes téléphoniques classiques
En effet, dans une communication téléphonique classique, la gamme de fréquences est comprise entre 300 et 3400 Hz, alors qu’un service de téléphone internet comme Skype a une gamme de fréquence comprise entre 100 et 8500 Hz . La capacité des téléphones internet à transférer les hautes fréquences est particulièrement importante pour pouvoir comprendre ce qui est dit. Les hautes fréquences jouent un rôle déterminant par le fait qu’elles sont essentielles aux personnes malentendantes pour comprendre les consonnes telles que F, C et T.
La preuve en a été apportée par une équipe de cinq chercheurs de l’université de Berne en 2010 . Les sujets de l’étude étaient d’une part 20 adultes ayant une déficience auditive, dont 10 utilisateurs d’implants cochléaires et 10 utilisateurs d’appareils auditifs, et d’autre part 10 adultes normo-entendants. Tous les participants au test avaient au moins 18 ans et ont été sélectionnés à partir de base de données cliniques de l’hôpital universitaire. L’âge moyen était de 46 ans dans le groupe de l’implant cochléaire de 68 ans dans le groupe des malentendants appareillés, et de 35 ans dans le groupe normo-entendants. Lors de l’expérimentation qui portait seulement sur la transmission du son, toutes ces personnes ont remarqué une meilleure compréhension par l’utilisation des téléphones internet. En moyenne, la compréhension était 15% plus élevée pour un test utilisant des mots à une syllabe dans un environnement calme, et 25 % dans un environnement bruyant.
Mais cette première expérimentation avait été conduite dans des conditions de laboratoire. En fait, la communication par Internet, qui fonctionne par paquets de données numériques, est sujette à des aléas de transmission, en particulier lorsque les lignes Internet sont surchargées. Dans des conditions défavorables, les paquets de données numériques peuvent être retardés ou perdus. Les paquets de données perdus sont généralement décrits comme un pourcentage du nombre initial de paquets de données envoyées via le réseau.
Deux ans plus tard, l’équipe de chercheurs a donc renouvelé son expérience, mais cette fois en simulant les aléas de transmission par Internet avec quatre niveaux de pertes de paquets respectivement : 0%, 5%, 10% et 20%. Parce qu’on entend moins bien quand on téléphone dans le bruit, les chercheurs ont également estimé l’effet du bruit ambiant selon cinq niveaux (rapports signal/bruit 0 dB, 5 dB, 10 dB, 15 dB et silence)
En moyenne, pour l’ensemble des groupes de participants, sur des mots monosyllabiques, les gains de compréhension par rapport au téléphone classique étaient respectivement de 15 %, 11% et 9% pour une qualité de transmission Internet avec une perte de paquets de 0%, 5%, et 10%. Pour une très mauvaise transmission Internet (20 % de pertes de paquets) la compréhension n’était pas meilleure qu’avec le téléphone classique.
Pour les personnes appareillées, comme pour les normo-entendants, téléphoner dans une ambiance bruyante diminue la compréhension. Il n’est donc pas surprenant que ce soit dans les ambiances bruyantes que le gain de compréhension apportée par Internet est le plus important.
Dans une ambiance parfaitement silencieuse, les personnes qui n’ont pas de problème d’audition n’ont aucune difficulté à téléphoner et Internet ne leur rapporte aucun gain. En revanche, dans une ambiance extrêmement bruyante (rapport signal bruit = 0 dB) le gain de compréhension monte à 53 %. Les malentendants, eux, sont incapables de téléphoner dans un tel environnement que ce soit par le téléphone classique ou par Internet. Mais pour eux aussi c’est dans le bruit que les bénéfices apportés par Internet par rapport au téléphone classique sont les plus grands. Pour les personnes implantées le gain de compréhension atteint 36 % dans une ambiance peu à moyennement bruyante (rapport signal bruit = 15 dB à 10 dB). Pour les personnes appareillées, c’est dans une ambiance bruyante (rapport signal bruit =5 dB) que le gain de compréhension est le plus élevé. Il atteint 18 %.
Outre la meilleure qualité du son, la téléphonie Internet avec des logiciels comme Skype permet de voir son interlocuteur. Pour les malentendants, c’est potentiellement un avantage, en particulier pour ceux qui maîtrisent la lecture labiale. Mais, selon la qualité de l’image, les flux vidéo sont de 7 à 35 fois plus demandeurs en bande passante que les flux audio. Acheminées par Internet, ils sont donc parfois de mauvaise qualité et arrivent avec un décalage par rapport au son. Les chercheurs de Berne ont donc conduit une troisième recherche pour mesurer dans différentes conditions l’apport de la vidéo dans la communication téléphonique par Internet.
Ont participé à la recherche 21 personnes implantées depuis 4 à 22 ans âgées de 18 à 70 ans. Tous pratiquaient la lecture labiale. L’expérimentation a montré qu’il y avait un gain médian significatif de plus de 8,5 % dans la perception de la parole quand la vidéo était activée.
Moralité, quand c’est possible, téléphonez avec votre ordinateur !
Conseils pratiques
Il existe plusieurs logiciels de vidéo-téléphonie par Internet tels que Yahoo-Messenger, iChat ou Google Talk. Mais Skype est le plus répandu. Ces logiciels sont gratuits et peuvent être téléchargées sur Internet. La communication s’établit entre deux ordinateurs distants équipés du même logiciel. Elle est d’autant meilleure que les microphones et les haut-parleurs de l’ordinateur sont de bonne qualité. À noter une fonction bien utile de ces logiciels : on peut, tout en parlant, taper du texte à destination de notre correspondant. Ce qui est bien pratique si on doit épeler un nom propre ou encore donner une adresse.
Compléments sur la recherche de 2013
L’étude a analysé l’apport de la lecture labiale que permettent les appels vidéo par Internet pour les personnes profondément malentendantes et pour les utilisateurs d’implants cochléaires. Elle a testé l’hypothèse que la technologie actuelle d’Internet, telle que celle fournie par Skype et d’autres logiciels de communication, permet une transmission des images animées des lèvres et du visage d’une qualité suffisante pour une lecture labiale adéquate. Les participants étaient 14 adultes sourds âgés de 23 à 63 ans et 21 utilisateurs d’implants cochléaires âgés de 18 à 70 ans et implantés depuis 4 à 22 ans. Tous les participants ont été évalués en utilisant un test standard de compréhension de phrases. Toutes les simulations vidéo ont été présentées avec et sans le son et en deux tailles d’écran. En outre, les scores pour la connexion vidéo en direct via Skype ™ ont été comparés à ceux obtenus dans une communication en face à face. Des taux de rafraîchissement supérieur à 7 images par seconde, une résolution photo supérieure à 640 par 480 pixels et un retard de l’image par rapport au son inférieur à 100 millisecondes ont été associées à une augmentation des scores de perception de la parole. Les scores étaient fortement dépendants de l’orateur (trois on été testés), mais n’ont pas été influencés par les propriétés physiques de l’optique de la caméra ou par le mode plein écran. Il y avait un gain médian significatif de plus de 8,5 % dans la perception de la parole pour les 21 utilisateurs d’implants quand la vidéo était activée. Parmi eux, ce sont les 11 utilisateurs d’implants dont les scores de perception de la parole étaient les plus mauvais qui ont montré le plus grand bénéfice de la communication audiovisuelle combinée.