Acouphènes : pourquoi c’est si compliqué
20 avril 2015 source Sciences et Avenir
Les zones cérébrales impliquées dans la genèse des acouphènes sont multiples et pas forcément liées aux seules aires auditives.
C’est une première pour la recherche en matière d’acouphènes. Un travail international paru dans eLife et mené chez l’animal par des chercheurs chinois, américains et canadiens permet enfin de mieux appréhender la complexité de cette maladie qui se manifeste par des bruits gênants dans les oreilles. En France, 16 millions de personnes disent en souffrir. Pour certains, ces bruits dits fantômes se traduisent par un bourdonnement, pour d’autres par un sifflement. Mais dans tous les cas, la médecine peine souvent à les soulager totalement, leur prise en charge s’avérant très complexe car leurs mécanismes précis n’ont pas encore été totalement décryptés.
Cette collaboration internationale laisse apparaître que les zones cérébrales impliquées dans la genèse des acouphènes sont multiples, bien plus nombreuses qu’on ne l’imaginait, reliées entre elles par un réseau neuronal très sophistiqué et pas forcément liées aux seules aires auditives. Ce qui constitue une étape importante dans la compréhension de ces troubles. Les chercheurs ont dans un premier temps induit des acouphènes chez des rongeurs en utilisant des doses progressives d’aspirine, dont l’ototoxicité (toxique pour l’appareil auditif) est bien connue. Ils ont ensuite observé le fonctionnement de différentes zones cérébrales via une Irm et sont arrivés à la conclusion que celles ci étaient très nombreuses à être sollicitées. Parmi elles : l’amygdale, la formation réticulée, l’hippocampe et le cervelet, des zones plutôt spécialisées dans la gestion des émotions, l’éveil, la localisation des sons ou bien encore l’équilibre.
Quand casser les oreilles prend tout son sens!
2 avril 2015
L’expression « tu me fais mal aux oreilles ! » pourrait bien ne pas être une hyperbole. Car des scientifiques viennent de découvrir que la cochlée, l’organe principal de l’oreille interne, serait sensible aux stimuli douloureux. En effet, ces chercheurs de l’université Northwestern à Chicago ont mis en évidence l’existence d’une voie de signalisation de la douleur, parallèle à la voie de signalisation des stimuli sonores.
L’ensemble du corps humain est tapissé de nocicepteurs, des récepteurs à la douleur reliés au cerveau par des neurones somatiques sensoriels, le long desquels voyagent les signaux nerveux. Mais l’organe de Corti n’en est pas doté, suggérant qu’il n’est pas sensible à la douleur. Les résultats des travaux des scientifiques américains indiquent cependant qu’il utilise pour cela une autre voie de signalisation.
Selon ces travaux, cette voie emprunte des neurones, dits de type 2, qui lient les cellules ciliées externes au noyau cochléaire, situé dans le tronc cérébral. Les chercheurs ont découvert qu’elle n’est activée que par des stimuli sonores d’intensité si importante qu’ils provoquent la mort des cellules ciliées.
Pour mettre ce phénomène en évidence, ils ont utilisé des souris transgéniques chez lesquelles la voie de signalisation des stimuli sonores – joignant les cellules ciliées internes au noyau cochléaire via des neurones de type 1 – est désactivée. Puis ils ont exposé ces souris pendant une heure à des sons d’intensités différentes : forte (80 dB SPL), mais pas néfaste pour les cellules ciliées, ou bien très forte (120 dB SPL), causant la mort des cellules ciliées. Dans le premier cas, les neurones de type 2 n’étaient pas activés, mais ils l’étaient dans le second, montrant que cette voie s’active en cas de dommage des cellules ciliées.
Les chercheurs font d’ailleurs l’hypothèse que cette voie de signalisation n’est pas activée par les sons de forte intensité eux-mêmes, mais plutôt par la mort des cellules ciliées qui en découle.
Source : Flores EN et al. A non-canonical pathway from cochlea to brain signals tissue-damaging noise. Current Biology 2015;25(5):606-612