SurdiFrance Actu Où en est l’Arcom sur la qualité du sous-titrage ?

Où en est l’Arcom sur la qualité du sous-titrage ?

En février 2025, à l’occasion des 20 ans de la loi handicap du 11 février 2005 et en préparation aux nouvelles obligations du 28 juin 2025, l’Arcom a publié un document de référence sur la qualité des dispositifs d’accessibilité des services de médias audiovisuels. Nous souhaitons revenir sur les constats de cette étude, en nous concentrant sur ce qui concerne les personnes devenues sourdes et malentendantes, pour qui le sous-titrage reste un levier indispensable d’accès à l’information et à la culture.

Un cadre juridique plus exigeant, mais encore inégalement appliqué

Depuis 2005, les obligations légales se sont progressivement renforcées. D’abord centrées sur le volume de programmes accessibles, elles ont été étendues aux plateformes de rattrapage (TVR) et à certains services de vidéo à la demande (SMAD). L’Arcom, devenue responsable de la qualité, a aussi établi des chartes précisant les bonnes pratiques à suivre. Pourtant, si l’on en croit cette étude de 2025, le cadre réglementaire ne suffit pas à garantir une expérience de qualité pour les spectateurs malentendants.

L’étude montre que la diffusion de programmes sous-titrés a bien progressé dans son ensemble. Cependant, derrière les chiffres, la qualité est loin d’être homogène. Et c’est justement ce qui devient préoccupant : le sous-titrage n’est pas qu’un service « présent ou absent », il doit aussi être lisible, fidèle et utile.

Une différence nette entre les programmes en direct et ceux en différé

Lorsqu’un programme est diffusé en différé, autrement dit pré-enregistré, le sous-titrage atteint globalement un bon niveau de qualité. Le texte est fidèle, les temps de lecture sont adaptés, l’orthographe est soignée. Quelques défauts persistent, comme la superposition avec d’autres éléments visuels ou l’absence de sons d’ambiance signalés, mais dans l’ensemble, ces contenus sont accessibles.

En revanche, la situation est toute autre dès qu’il s’agit d’émissions en direct. Là, les retards de synchronisation entre la parole et le sous-titre sont fréquents, allant parfois jusqu’à 30 secondes. Ce décalage rend la compréhension extrêmement difficile. Dans de nombreux cas, des morceaux entiers de discours ne sont pas transcrits, ou le texte défile trop rapidement pour être lu. Certains sous-titres apparaissent sans fond contrasté, ce qui les rend illisibles, notamment pour les personnes sourdaveugles. Les noms des intervenants ne sont pas toujours indiqués, ce qui ajoute de la confusion. Bref, suivre un journal télévisé ou un débat en direct reste un parcours d’obstacles pour de nombreux spectateurs malentendants.

Le replay, entre obligation et réalité

Depuis décembre 2020, la loi impose que les programmes accessibles à la télévision linéaire le soient également sur les plateformes de rattrapage. Pourtant, l’étude révèle que cette obligation est très imparfaitement respectée, notamment pour les programmes diffusés en direct. Dans la plupart des cas, le sous-titrage disparaît lors de la rediffusion, ou bien il est remplacé par une version générée automatiquement, souvent approximative. Certains éditeurs invoquent des contraintes techniques ou des mises à jour en cours. Mais à quelques jours de l’entrée en vigueur des nouvelles obligations du Code de la consommation (28 juin 2025), ces explications ne suffisent plus. Il est indispensable que la mise à disposition en replay permette au contraire de corriger les défauts du direct et d’offrir aux spectateurs une expérience de rattrapage accessible et de qualité.

Les plateformes de vidéo à la demande : accessibles, mais sans cadre commun

L’étude s’est également penchée sur les services de vidéo à la demande (SMAD) comme Netflix, Amazon Prime Video ou Disney+. Elle constate que les programmes proposés sont tous accompagnés de sous-titres, sans défauts majeurs sur le plan technique. Mais les éditeurs de ces services n’ayant pas signé les chartes de qualité françaises, ils ne respectent pas les recommandations établies par l’Arcom. Le sous-titrage est souvent en blanc, sans fond de couleur, sans indication de son ou de contexte sonore. Il n’y a pas non plus de code couleur permettant d’identifier les différents locuteurs. Ces choix limitent la richesse de l’accessibilité et uniformisent l’expérience, parfois au détriment de la clarté. S’il est possible de personnaliser l’affichage des sous-titres, aucun de ces services ne propose de catalogue ou de filtrer pour rechercher les programmes sous-titrés, ce qui complique la navigation.

Des interfaces encore peu lisibles

Sur les interfaces des plateformes comme sur les services de replay des chaînes, les défauts sont nombreux. Le plus frappant est l’absence, dans presque tous les cas, de catégories spécifiques pour les contenus accessibles. À l’exception d’un cas isolé, il est impossible de parcourir une liste claire des programmes disponibles avec sous-titres pour sourds et malentendants. Pourtant, l’obligation de fournir ces informations entrera en vigueur fin juin. Là encore, la loi avance plus vite que les pratiques. Les options de personnalisation sont présentes mais souvent mal mises en valeur, et les pictogrammes sont inconstamment utilisés.

Quelles améliorations pour demain ?

L’Arcom propose plusieurs pistes d’évolution que SurdiFrance soutient pleinement. Elle recommande notamment une révision des chartes existantes afin d’intégrer certains critères minimums obligatoires, comme le respect du délai maximal dans les sous-titres en direct, ou l’exigence d’un fond contrasté. Elle suggère également d’élargir le cercle des signataires à de nouveaux acteurs : services de streaming, distributeurs, éditeurs récents, voire les services publics eux-mêmes lorsqu’ils produisent des prises de parole officielles. Ces propositions vont dans le bon sens, à condition qu’elles soient suivies d’effets.

Il nous semble également essentiel que les associations d’usagers soient pleinement associées au suivi de ces engagements. L’idée d’un baromètre national de la qualité du sous-titrage, régulièrement mis à jour, pourrait faire avancer les pratiques et renforcer la transparence. Enfin, il faut que les services de télévision considèrent le replay comme une opportunité de corriger les erreurs du direct, plutôt que comme une simple réplique technique.

Pour conclure : l’inaccessibilité reste une forme d’exclusion

Vingt ans après la loi de 2005, les avancées en matière d’accessibilité audiovisuelle sont indéniables. Le nombre de programmes sous-titrés a fortement augmenté, et les obligations légales se sont étendues à de nouveaux supports. Mais cette dynamique quantitative doit désormais s’accompagner d’une exigence renforcée sur la qualité. Car un programme mal sous-titré reste, pour beaucoup, difficilement compréhensible — et donc peu accessible.

L’étude de l’Arcom montre que les marges de progression sont réelles, notamment pour les émissions en direct et leur rediffusion en replay. Elle apporte aussi des pistes concrètes pour aller plus loin, en engageant davantage l’ensemble des acteurs du secteur, y compris les plateformes et les distributeurs.

SurdiFrance salue cette volonté de diagnostic et de transparence, et souhaite qu’elle ouvre la voie à un dialogue plus structuré entre les pouvoirs publics, les éditeurs et les associations représentatives des usagers. L’accessibilité n’est pas seulement une obligation réglementaire : elle est le reflet d’une société qui veut faire place à chacun.

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