SurdiFrance 6 millions de malentendants « Ma surdité ne m’a jamais empêchée d’entreprendre »

« Ma surdité ne m’a jamais empêchée d’entreprendre »

Par Kim Auclair, entrepreneure, blogueuse, conférencière et auteure
Article extrait du n°33 du magazine 6 millions de malentendants (parution en avril 2019)

Tout est possible sur le plan professionnel avec une surdité. Même dans le monde des communications.

Qui suis je ?

Je suis une Québécoise âgée de 34 ans. Ma surdité se situe entre sévère et profonde pour les deux oreilles. Mes parents ont commencé à soupçonner des problèmes par rapport à mon audition très tôt dans mon enfance, vers l’âge de 8 à 12 mois. Mon diagnostic de surdité a été confirmé à l’âge de 18 mois au Centre de l’ouïe et de la parole à Québec. À partir de ce moment j’ai été appareillée.

J’ai porté deux appareils auditifs jusqu’à l’âge de 8 ans environ pour finalement décider de n’en porter qu’un seul, à l’oreille droite. Je trouvais déjà qu’il y avait un déséquilibre à cause de ma perte d’audition plus grande à l’oreille gauche. L’appareil à mon oreille gauche ne m’apportait pas de gains supplémentaires pour mieux entendre. Je trouvais cela désagréable. J’étais vraiment plus à l’aise avec un seul appareil à l’oreille droite. Sinon, pour combler mes lacunes auditives, je fais beaucoup de lecture labiale.

Ma scolarité

Pendant toute mon enfance, ma mère m’accompagnait à mes séances de thérapie chez l’audiologiste et à mes suivis auprès de l’audioprothésiste pour mon appareillage, en plus de devoir rencontrer, au début de chaque année scolaire, les enseignants et la direction des écoles pour leur expliquer ma surdité afin que je puisse être bien intégrée en classe ordinaire avec les entendants. Autrement dit, je ne suis jamais allée dans des établissements adaptés à ma condition. À partir de la 3e année du primaire, ma mère m’a inscrite à une école privée. Mais, même si j’avais les notes de passage exigées pour accéder à la 6e année, ma mère a dû convaincre la direction de cette école privée pour que je puisse reprendre ma 5e année. Elle trouvait que mes notes étaient trop faibles et qu’elle voulait que je sois mieux outillée pour passer au secondaire. Ce n’était pas évident, étant donné que les statistiques des côtes de passage dans le secteur des écoles privées sont très importantes et comptent beaucoup pour leur image afin d’attirer une forte clientèle. Aussi, durant toutes mes années de scolarité, j’ai eu le choix d’accéder à des services de preneurs de notes ou à des interprètes pour faciliter mes apprentissages en classe et m’aider, mais je refusais toujours ces aides. Sauf pour un appareil FM que j’ai utilisé pendant quelque temps. Très tôt dans mon parcours, je crois que j’étais déjà déterminée et j’avais le désir d’apprendre par moi-même et, ainsi, créer mon propre chemin de vie. J’ai eu beaucoup de difficultés à l’école. Notamment parce que les professeurs n’étaient pas sensibilisés à la façon de m’accompagner et pas outillés pour me faire progresser à un rythme adapté à ma situation.

Le secondaire a été pour moi une période difficile et même jusqu’à ma première année de CÉGEP. Je me rappelle encore à cette époque que je ne parlais pas beaucoup de ma surdité, mais ça se voyait que quelque chose clochait. Je me souviens très bien que j’étais la fille à qui il était facile de lancer des remarques déplaisantes, parce que j’avais beaucoup de difficulté, à cette époque, à prendre ma place et à me défendre. J’avais aussi peur du regard des autres. Plus mon secondaire avançait, plus je me renfermais avec des pensées négatives. Ce qui me dérangeait surtout, c’est que tous ces jeunes n’avaient jamais pris le temps de me connaître vraiment. Avant d’entrer au CÉGEP, j’ai repris mon Français à l’école des adultes. J’ai également repris mon anglais et j’ai suivi un cours d’infographie. J’ai été refusée au CÉGEP de Sainte-Foy dans ma ville en graphisme. Par contre, j’ai été admise au CÉGEP de Rivière-du-Loup pour un programme similaire.

J’ai 18 ans et je me lance !

À l’âge de 18 ans, j’ai lancé ma première entreprise sur le Web dans le monde des communications (graphisme, rédaction web, presse, etc.). Ce qui m’a poussée à me lancer en affaires est l’impression que j’avais d’un blocage lorsque je mentionnais que j’avais une surdité aux employeurs. Aujourd’hui, je suis entrepreneure, blogueuse, conférencière, auteure et même animatrice de radio sur les ondes de CKRL 89.1. Ma surdité ne m’a pas empêché de me réaliser professionnellement. Mais, en tant qu’entrepreneure, j’ai eu aussi des défis à relever. Je n’aimais pas faire répéter mes clients et j’avais peur qu’ils ne me prennent pas au sérieux. Juste pour vous dire… je n’ai commencé à parler de ma surdité qu’en 2015. Je me limitais, d’ailleurs, à dire que j’étais malentendante ; je n’entrais pas dans les détails.

Accepter. Avancer. Aider

En 2018, suite à un épuisement professionnel et de communication, je réalise que je n’ai toujours pas accepté ma surdité. Intégrée dans le monde des entendants depuis toujours, je décide, alors, d’entreprendre une démarche d’acceptation de ma surdité qui m’amène, aussi, à faire une demande à l’Hôtel-Dieu de Québec afin d’obtenir un implant cochléaire. Parallèlement, je contacte l’IRDPQ (Institut de réadaptation en déficience physique de Québec) pour un suivi en audiologie, orthophonie et je débute une thérapie avec une psychologue en attendant la réponse d’acceptation au programme.

Durant cette période, je rencontre plusieurs personnes sourdes, malentendantes et implantées afin de m’aider à progresser sur le plan personnel. Je fais aussi, le choix de réduire mes activités avec mon entreprise, Niviti, afin de m’impliquer davantage pour la cause de la surdité avec des organismes communautaires.

Ainsi, j’accepte un mandat à l’Association des personnes avec une déficience de l’Audition (APDA). L’organisme a pour mission de favoriser l’inclusion sociale des personnes vivant avec une déficience de l’audition en offrant des services d’aide et d’entraide, puis de défense de droits tout en sensibilisant et en conscientisant la population aux besoins de ces personnes et de leur réalité. Le mandat consiste à créer un outil visant à promouvoir les lieux accessibles et les bonnes pratiques d’accessibilité dans les lieux publics : où sortir sans limites www.ousortirsanslimites.com.

Ce projet porteur m’a permis jusqu’à présent de mieux comprendre mes défis aux quotidiens. Grâce à un sondage que j’ai réalisé auprès de 128 personnes atteintes d’une surdité, j’ai pu y voir le manque de sensibilisation à la surdité dans les entreprises québécoises. Notamment auprès du personnel dans les établissements de santés, transports en commun, restaurants, etc.

Encore des projets !

Pour approfondir ma démarche et la mission que je me suis donnée, soit de sensibiliser la population à la surdité, j’ai décidé de démarrer trois autres projets en ce sens qui verront bientôt le jour. D’abord une application mobile, une série de télé et un livre où je parlerai de l’acceptation de ma surdité ainsi que ma réadaptation avec mon implant cochléaire qui est prévu pour le mois d’automne 2019. Vous avez compris: rien ne m’arrête! J’ai également décidé d’accepter un poste au sein du conseil d’administration de l’Association des implantés du Québec. Vous avez envie de me suivre dans mes différents projets? Je vous invite à aimer ma page Facebook www.facebook.com/kimauclair 

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