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Enquête sur les acouphènes avec perte auditive associée

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Paris, 13 mars 2014 – Dominique Dufournet & Richard Darbéra

La JNA porte cette année sur les acouphènes et l’hyperacousie. « Vivre avec ces gênes ou troubles en permanence est insupportable » nous dit la JNA.
Il nous a paru très intéressant d’en savoir plus sur la façon dont les personnes qui ont une perte auditive associée, les devenus sourds ou malentendants, vivent avec leurs acouphènes. Quelles stratégies thérapeutiques ont elles mises en place ? Pourquoi, pour un certain nombre d’entre elles, les choses se sont améliorées ?

Pour cela nous avons procédé à une enquête au sein des associations qui composent le Bucodes SurdiFrance. Nous avons reçu 341 réponses exploitables de personnes malentendantes qui souffrent ou ont souffert d’acouphènes…, en voici une synthèse.

Le profil de notre panel

L’âge des personnes ayant répondu à notre questionnaire correspond aux statistiques connues sur les tranches d’âge concernées par la perte d’audition : majoritairement des quinquagénaires et des sexagénaires (59%), mais avec une proportion significative de moins de 50 ans (18%). Ils ont très majoritairement des difficultés pour suivre les conversations à plusieurs (93%) et la moitié déclare une intolérance aux bruits.

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Les acouphènes et notre panel

Deux personnes sur trois ont des acouphènes en permanence.
Une question demandait à notre panel de caractériser la gêne occasionnée par leurs acouphènes en la notant de 1, pour une gêne très légère, à 6 pour insupportable. Le graphique ci-dessous donne la distribution de cette gravité, en distinguant les acouphènes intermittents et permanents. Sans surprise, il est plus pénible d’entendre des acouphènes en permanence que par intermittence.

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Entre le moment de l’apparition des acouphènes et le jour de l’enquête on note deux tendances :

  • Ceux qui ont vu leurs acouphènes progresser d’une situation très peu pénible quand ils sont apparus à une situation qui s’est dégradée (sans doute concomitamment à l’installation de la perte auditive).
  • Ceux qui ont connu une nette amélioration dont 16% de notre panel qui déclarent ne plus du tout souffrir d’acouphènes.

Le tableau ci-dessous donne l’évolution de la perception de leurs acouphènes par notre panel.

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Les sons entendus par notre panel de personnes acouphéniques

Ce que les personnes interrogées entendent est très hétérogène. Sur nos 340 répondants, nous avons obtenu près de 100 réponses avec des sons différents. Un tiers entend un son unique et deux sur trois entendent une combinaison de sons. Les sons les plus représentés sont les bourdonnements, et des sons aigus (sifflements, cocotte minutes, cigales). 5% entendent les battements de leur cœur (acouphènes pulsatiles). Parmi les sons les plus surprenants : « une volière », des «pépiements d’oiseaux perchés sur des fils téléphoniques entendus dans mon enfance », « mes pensées qui résonnent en musique », «de grands waouh! Waouh ! »…

Les acouphènes sont plutôt localisés dans les deux oreilles (45%) ou dans la tête (20%). Pour 28% de notre échantillon ils se situent dans une seule oreille (plutôt sur l’oreille gauche)… Pour une personne, « dans le cœur ».

À la question « dans quelle circonstance vos acouphènes vous font-ils souffrir » les premières réponses sont « quand je suis très fatigué » et « quand je suis stressé ». Viennent ensuite des réponses apparemment contradictoires : « dans le bruit » / « dans le silence ». En effet, beaucoup d’acouphènes surviennent après une exposition au bruit (« quand j’écoute la télévision au casque ») mais par effet de contraste, c’est dans le silence qu’ils ressortent le plus. Les moments où les acouphènes sont les plus pénibles de la journée sont ainsi « le matin au réveil » pour 22% et « le soir au coucher » pour 30%, ainsi que la nuit.

Il est cependant rassurant de constater qu’ils ne sont « une réelle obsession » que pour 8,2% des personnes interrogées et que pour plus de la moitié des répondants « ils sont simplement énervants» ou «ils ne les empêchent pas de faire quoi que ce soit » (54%).

Certains souffrent plus d’acouphènes

Les acouphènes sont plus difficiles à supporter quand on est jeune.
Les moins de trente ans déclarent plus souvent souffrir d’acouphènes que les personnes plus âgées, en particulier pour les hommes. Ce sont les plus de 70 ans qui déclarent le moins souvent souffrir d’acouphènes.

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Le son entendu n’est pas corrélé au degré de souffrance.
Nous avons noté qu’il n’y avait apparemment pas de corrélation entre le son entendu et le degré de souffrance (ainsi ceux qui entendent des bourdonnements souffrent autant d’acouphènes que ceux qui entendent des sifflements).

Quelles stratégies face aux acouphènes ?

Nous avons identifié trois stratégies face aux acouphènes :

  • le recours à la pharmacopée
  • les autres thérapies (thérapies alternatives)
  • les appareils auditifs avec traitement des acouphènes

Médicaments

Un peu plus de la moitié de notre échantillon (53,3%) a pris des médicaments pour traiter ses acouphènes. Parmi les 180 personnes qui ont pris des médicaments, nous avons recensé 30 médicaments différents (corticoïdes, vasodilatateurs, diurétiques, anxiolytiques, antidépresseurs, antivertigineux, maladie de Parkinson, antalgique, hypnotiques, troubles de l’équilibre…). Le médicament le plus prescrit est le Vastarel, puis le Rivotril ainsi que des anxiolytiques (Temesta, Lexomil, Valium etc…). 11,1% ont fait confiance à l’homéopathie.

Ces médicaments ne semblent pas avoir beaucoup d’effet. Nous avons rapproché la réponse à la question : « Vous a-t-on prescrit des médicaments, lesquels ? » des réponses à
 la question : « à votre avis, lesquels de ces traitements vous ont paru appropriés? ».

Le tableau ci-dessous donne la fréquence avec laquelle le même médicament a été cité deux fois. Mais il s’agissait d’une question ouverte ce qui a permis de recueillir aussi le sentiment des patients sur l’efficacité du médicament prescrit. Il apparaît que la réponse est rarement positive, et quand elle l’est, c’est parfois au bénéfice du doute : « Vastarel, au début me semble-t-il » ou « Vastarel peut être ». Notons que le Vastarel n’est plus remboursé. Un certain nombre de répondants l’ont arrêté au moment du déremboursement (1) et disent qu’ils n’ont pas vu la différence.

Le tableau ci-dessous rend compte des réponses plus ou moins positives.

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Autres thérapies

Plus d’un tiers des femmes mais seulement moins d’un quart des hommes ont suivi d’autres thérapies pour leurs acouphènes. Les femmes sont également plus nombreuses que les hommes à avoir suivi plusieurs thérapies.
C’est ce que montre le tableau ci-dessous.

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Si l’on tient compte du nombre de fois où elles sont mentionnées seules ou avec d’autres, le hit-parade des thérapies est indiqué dans le tableau ci-dessous. On voit que la psychothérapie et la sophrologie ont plus de succès auprès des hommes alors que les femmes recourent plus volontiers à l’ostéopathie ou l’homéopathie.

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Beaucoup d’autres thérapies sont citées comme les thérapies comportementales (7%), l’oxygène, les guérisseurs, les injections placebo, etc.

En terme d’efficacité, aucune thérapie ne ressort plus qu’une autre. Les personnes qui répondent avoir été satisfaites d’une thérapie en particulier sont très rares. Deux personnes disent du bien de l’homéopathie (Moschus actaea racemosa), ainsi que de l’ostéopathie. Quelques conseils qui reviennent souvent : « le repos, le calme et le sommeil », « une bonne hygiène de vie ».

Appareils auditifs avec traitements pour acouphènes

Depuis quelques années les grandes marques d’appareils ont mis sur le marché des appareils avec traitement des acouphènes notamment grâce à des générateurs de bruits (bien souvent des bruits blancs) pour masquer les acouphènes. Les réponses à notre enquête montrent que nos adhérents utilisent peu cette méthode (6% de l’échantillon). L’échantillon n’est malheureusement pas assez représentatif pour noter les appareils.

Notre échantillon est cependant plutôt satisfait, soit 45% contre 30% d’insatisfaits et 25% qui ne se prononcent pas. Nous avons noté que les personnes satisfaites portaient ce type d’appareil plutôt sur les deux oreilles, alors que les personnes insatisfaites avaient tendance à porter qu’un seul appareil (donc sur une seule oreille).

Pour certains une amélioration nette de la situation

16% de l’échantillon qui ont souffert d’acouphènes au moment où ils sont apparus déclarent qu’ils n’en souffrent plus du tout aujourd’hui.

Le tableau ci-dessous donne les explications avancées pour cette évolution. La question était : « Si maintenant vous ne souffrez plus d’acouphènes, à votre avis pourquoi ? »

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 Ainsi, l’implantation et l’appareillage apparaissent comme les deux raisons principales avancées par les personnes qui estiment ne plus souffrir d’acouphènes. En fait, il ne s’agit pas, dans la plupart des cas, d’une disparition totale des acouphènes mais d’une forte diminution de la gêne occasionnée (voir graphique en annexe 2).

 Appareillage et implants : Une solution efficace, mais pas toujours…

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On constate que certaines personnes bi-implantées continuent de souffrir d’acouphènes. Ce dernier résultat tend à prouver que l’implantation en contournant une bonne partie du système auditif ne supprime pas systématiquement les acouphènes. Ce résultat pose la question essentielle et très controversée de l’origine des acouphènes…

Pour l’appareillage auditif, son efficacité sur les acouphènes a déjà été démontrée, mais elle n’est pas systématique.

L’appareil auditif va permettre de réentendre les fréquences qui ont été perdues, sur lesquelles sont généralement situés les acouphènes (bien souvent les fréquences aigues) et la restauration de ces fréquences va avoir tendance à masquer les acouphènes. Par ailleurs, quand on perd l’audition, par effet de contraste on entend davantage ses acouphènes, l’appareillage va avoir tendance à réduire cet effet (c’est cet effet de contraste qui rend les acouphènes plus anxiogènes la nuit qu’en cours de journée – ce que confirme aussi notre enquête).

Les acouphènes : un problème généralement moins préoccupant quand on a une perte auditive associée

À la fin de notre questionnaire, nous avions posé la question suivante : Entre les trois symptômes suivants (acouphènes, hyperacousie, perte d’audition), « si vous les avez vécus, quel est celui qui vous gêne le plus ? » : plus de 2 personnes sur 3 déclarent la perte d’audition (voir aussi l’annexe 3).

Il est à noter que le Baromètre Santé Sourd Malentendants (BSSM) de l’INPES a mis en évidence une très forte détresse psychologique chez les personnes qui souffrent d’acouphènes… mais l’INPES montre aussi que cette détresse psychologique concerne en premier lieu des personnes sans perte auditive associée. Notre enquête semble confirmer ces résultats, même si les acouphènes restent une situation difficile à supporter pour beaucoup de personnes devenues sourdes ou malentendantes.

Les annexes

Les 3 annexes qui vous sont présentées, vous permettent de voir des chiffres détaillés suivants :

  • Annexe 1 : évolution de la gêne perçue
  • Annexe 2 : évolution de la gêne perçue après implantation ou appareillage
  • Annexe 3 : « qu’est ce qui vous gêne le plus » : perte d’audition, acouphènes, hyperacousie

Annexe 1

Une autre manière de voir cette évolution, est présentée dans le graphique ci-dessous qui montre l’évolution de l’intensité de la gêne perçue.

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On voit qu’en moyenne cette évolution est très faible (moins d’un tiers de point) et la médiane s’établit à une évolution nulle. Il y a donc à peu près autant d’aggravation que de rémission.

Annexe 2

Une question demandait à notre panel de caractériser la gêne occasionnée par leurs acouphènes en la notant de 1, pour une gêne très légère, à 6 pour insupportable. Ce tableau nous montre les évolutions contrastées de notre panel.

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Annexe 3

Ce dernier tableau nous montre le détail des réponses à la question « si vous les avez vécus, quel est celui qui vous gêne le plus ? ».

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 Télécharger les résultats de l’enquête du Bucodes SurdiFrance sur les acouphènes avec perte auditive associée

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